FREETOWN, 9 juil (AFP) - Les Sierra-léonais devront réussir à surmonter les traumatismes laissés par neuf années d'une guerre civile particulièrement atroce pour que l'accord signé mercredi entre le gouvernement et la rébellion ramène vraiment la paix dans le pays.
Foday Sankoh, le chef historique du Front révolutionnaire uni (RUF), dont les hommes sont accusés des pires exactions, a dès mercredi "imploré le pardon de tous". Mais pour mieux demander à ses compatriotes de "tourner la page" et "ne pas revenir sur les vieilles blessures".
Des blessures, la Sierra Leone en est pourtant pleine.
Binti Sellu montre son bras amputé. "C'est à cause des rebelles que je ressemble à ça aujourd'hui", dit la fillette de 10 ans, pensionnaire dans un camp de rééducation de la capitale.
Six ans après, elle se souvient encore de l'expression du combattant rebelle qui l'a mutilée: "Pendant que je hurlais, il riait, disant "ce n'est pas ma faute si ma machette est mal aiguisée". Que Dieu ait pitié de lui s'il est toujours en vie".
Mutilations volontaires, viols, enlèvements, milliers d'enfants enrôlés de force pour se battre ou devenir des esclaves: le pays a connu "certaines des pires violations" des droits de l'Homme au monde, selon l'ONG Human Rights Watch (HRW).
Mais les rebelles ont obtenu qu'une amnistie générale soit inscrite dans l'accord de paix. Ce qui risque de laisser les cicatrices du passé à vif, même si la population semble pour l'instant surtout soulagée d'entrevoir la fin de neuf années de cauchemar.
Selon le docteur Edward Nahim, psychiatre en chef au ministère de la santé, environ 200.000 personnes devront bénéficier d'un soutien psychologique.
"C'est un effet de la guerre, et d'une augmentation de la consommation de drogue", explique le médecin, qui affiche son pessimisme pour l'avenir: "De nombreux Sierra-léonais sont devenus agressifs et souffrent de changement de personnalité".
En neuf années de guerre, au moins 20.000 personnes ont été tuées (50.000 selon HRW), la moitié des 4,5 millions d'habitants déplacés ou exilés et le pays - riche en diamants, or et bauxite - est devenu, selon l'ONU, le plus pauvre du monde.
"Maintenant, qu'ils (les rebelles) réparent ce qu'ils ont détruit", déclare Julius Spencer, ministre de l'Information. Mais le ministre est bien conscient que pardonner les rebelles "sera un processus long et difficile".
Autre difficulté, l'application effective de l'accord de paix, qui nécessitera "une surveillance et des ressources que le gouvernement n'a pas", explique M. Spencer.
Le gouvernement d'unité nationale prévu par les accords de paix pourrait être formé d'ici deux semaines, selon le ministre, le temps pour le RUF de désigner ses candidats et de s'enregistrer comme parti politique.
Alors, la population devra s'habituer à voir le caporal Sankoh et ses hommes installés au pouvoir.
"Je n'oublierai jamais", dit Isatu Bangura, enceinte de six mois et dont le mari est mort pendant l'invasion de la capitale par les rebelles en janvier dernier. "Mais je pardonnerai, je n'ai pas le choix."